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AVERTISSEMENT

Amis lecteurs
Je ne fais ce Blog que pour vous faire decouvrir les tresors du Judaisme
Aussi malgre le soin que j'apporte pour mettre le nom de l'auteur et la reference des illustrations sur tous ces textes , il se pourrait que ce soit insuffisant
Je prie donc les auteurs de me le faire savoir et le cas echeant j'enleverais immediatement tous leurs textes
Mon but etant de les faire connaitre uniquement pour la gloire de leurs Auteurs

HEROUT - LIBERTE



                                                         Marc Chagall

                                    Les tables de l'Alliance -  Une loi qui libère 
                                                                                     

                               La première des dix Paroles proclame la libération de l'homme au nom de Dieu.
                               Israël  passe de la servitude au service du Créateur.



Traité Avoth, chapitre 6, mishna 2
Rabbi Josué fils de Lévi enseigne: "Tous les jours une voix céleste sort du mont Horeb (mont Sinaï) et proclame : Malheur aux créatures à cause de la honte faite à la Torah, car celui qui ne s'occupe pas de Torah est un homme méprisable, et il mérite qu'on lui applique ces mots: "une belle femme sans raison est comme un anneau d'or au groin d'une truie". Et il est dit : les tables (de la Loi) étaient oeuvre divine, et l'écriture était écriture divine, gravée sur les tables. Ne lis pas harout "gravée", mais hérout "liberté", car seul est libre celui qui s'adonne à la Torah. Et quiconque s'adonne à la Torah s'élève, comme il est dit (Nb 21, 19) : "ils
marchèrent de Matana à Nahaliel et de Nahaliel à Bamot".




Note
La fin de l'enseignement s'appuie sur une lecture allégorique de trois villes traversées par les Hébreux dans le désert. Matana "don", allusion au don de la Torah. Nahaliel "Dieu est mon héritage" et Bamot "élévation". C'est par la réception de la Torah et l'acceptation de l'héritage divin que l'homme s'élève et s'affranchit de toutes les servitudes matérielles.



La notion de liberté

Dans le Judaïsme, la notion de liberté individuelle peut se percevoir de deux façons distinctes. Tout d'abord, la liberté individuelle fait penser au concept de libre arbitre, et donc de responsabilité humaine dans l'histoire. Mais cette même liberté nous entraîne aussi à nous poser la question de savoir si, le Judaïsme étant une religion de Lois et de pratique, il nous est possible, sous le prétexte de cette liberté, de rejeter tout en bloc et de décider de vivre notre Judaïsme sans se sentir " obligé " par les commandements.

Avant de répondre a cette question, il me semble important de revenir en détail sur le premier aspect de cette liberté individuelle, à savoir la notion de libre arbitre. Pour se rendre compte de l'importance de ce concept, il nous suffit se penser au texte des dix commandements, ce texte fondateur de la pensée juive, et plus particulièrement au premier de ces commandements. " Je suis le seigneur ton Dieu qui t'ai fait sortir du pays d'Egypte ". Dans cette simple phrase s'exprime ce que la tradition juive, et la Tora en tout premier lieu, considère comme étant le premier commandement incombant à l'homme ; la liberté. Ainsi, avant même d'être soumis à toute autre loi, Dieu est perçu comme un Dieu libérateur qui donne à l'homme la possibilité de vivre sa vie en tant qu'être libre. Dans une perspective tout à fait semblable, il est important de noter que la première fête du calendrier liturgique juif, la fête du premier mois de l'année juive, est Pessach, la fête de la liberté. Cette célébration, où en nous remémorant la libération de nos ancêtres de l'esclavage d'Egypte, nous sommes invités à réfléchir sur notre propre liberté et sur les responsabilités qui en découlent, se situe chronologiquement sept semaines avant la fête de Chavouoth qui commémore le don de la Tora - c'est-à-dire le don de la Loi - comme pour nous enseigner que la Loi n'est possible que si la liberté est donnée à l'homme de la respecter ou de la transgresser.

Il apparaît donc de façon claire que le judaïsme place la liberté individuelle au-dessus de toute autre considération. Sans cette liberté fondamentale, rien n'est possible, car si nous ne sommes pas libres, si Dieu décide de nos actions à notre place, nous ne pouvons être au plus que des petits pantins, sans responsabilité aucune dans notre histoire et sans pouvoir de décision. Il convient pourtant de bien mesurer la portée de cette liberté fondamentale qui est la notre, ainsi que le poids de cette responsabilité. En effet, être libres et responsables de nos actions entraîne, de la part de Dieu, un certain détachement et un éloignement des affaires du monde. Il ne peut en être autrement. Dans un monde où Dieu et le peuple d'Israël sont unis par la Brit, c'est-à-dire par l'Alliance, la liberté de l'homme nécessite une limitation du pouvoir de Dieu. Sans cet éloignement, et si donc Dieu continue à être présent à tout moment et en tout lieu, comment l'homme peut-il rester responsable de ses actes ? C'est cette audacieuse idée qu'exprime la Kabbale de Louria (écrite vers le 15ième siècle à Safed) et que reprend, dans un merveilleux texte, André Neher, l'un des plus grand penseurs du Judaïsme contemporain : " L'alliance enseigne que l'histoire se fait par l'association simultanée et incassable de deux êtres engagés en elle : le Créateur et la Créature, Dieu et l'homme. Ce n'est que par la coopération de Dieu et de l'homme que l'histoire naît et avance dans ses dimensions concrètes et éthiques et méta-éthiques, physiques et métaphysiques. Coopération - et c'est là le plus important et le plus méconnu de l'alliance - qui limite simultanement le pouvoir de l'homme et le pouvoir de Dieu. Que le pouvoir de l'homme soit limité, cela est naturel et résulte de sa condition de créature. Mais la notion de limitation du pouvoir de Dieu met en cause la conception banale, et acceptée à la légère par presque tous les hommes religieux, de la Toute-Puissance divine. Or, Dieu n'est pas le Tout-Puissant, comme le suggère la terminologie superficielle et vulgaire. Dieu est l'être qui accepte de limiter son pouvoir. "

La seconde conséquence de cette liberté individuelle, tient à ce que la liberté de l'homme dépasse l'omniscience de Dieu. Dit de façon simple, cela revient à insinuer que même Dieu ne sait prévoir les choix et les décisions des hommes. Ainsi, en ayant créé l'homme libre, non seulement Dieu acceptait-il de s'auto-limiter mais, de plus, Il introduisait dans l'histoire un facteur d'incertitude. C'est cette même idée que reprend André Neher lorsqu'il écrit que " en créant l'homme libre, en conférant le libre arbitre à l'une de ses créatures,- à l'homme - Dieu a introduit dans l'univers un facteur radical d'incertitude, qu'aucune sagesse divine ou divinatoire, qu'aucune mathématique, qu'aucune programmation, qu'aucune prière non plus ne peuvent ni prévoir, ni prévenir, ni intégrer dans une p spective préétablie. L'homme libre, associé à Dieu, c'est l'improvisation faite histoire "
Ainsi libre, l'homme ne peut plus prétendre échapper aux responsabilités qui lui incombent, et plus précisément à la responsabilité qu'il a envers son prochain. Cette responsabilité lourde et infinie, est exprimée de façon très concise dans un texte talmudique où Rabbi Aquiba est interrogé par l'empereur romain qui lui demande pourquoi, si le Dieu des Juifs est un Dieu de justice qui soutient les pauvres, n'aide -t-il pas lui-même les pauvres. Ce à quoi Rabbi Aquiba répond en affirmant que " Dieu ne le fait pas lui-même afin que nous, les hommes, puissions échapper à la damnation en le faisant nous-mêmes ". Par cette réponse Rabbi Aquiba exprime l'idée de la responsabilité infinie qui incombe à l'homme libre de pourvoir aux besoins de son prochain. Cette responsabilité est telle que Dieu est dans l'impossibilité de le faire à notre place. Cette notion de responsabilité se trouve aussi exprimée dans le chapitre quatre de la Genèse, dans l'épisode du meurtre, où Caïn tue son frère Abel. Après que Caïn ait porté la main sur son frère et répandu son sang sur la terre, Dieu s'adresse à lui et lui dit, " la voix des sangs de ton frère crie vers moi, qu'as-tu fait ? " Et Caïn de répondre, en cherchant à se dégager de sa responsabilité, " suis-je le gardien de mon frère ? ". Une manière de rappeler à Dieu que c'est Lui qui est supposé être le gardien de son frère, que c'est Dieu qui doit être responsable des actions des hommes et qu'en tant que tel, Il ne peut pas lui demander de compte pour ses actes. Pourtant, dans l'interprétation juive de ce passage, c'est bien Caïn le responsable car doté d'une liberté et d'un libre arbitre c'est à lui à assumer ses fautes, et Dieu ne peut qu'observer en spectateur passif la tragédie qui se déroule sous Ses yeux.

Ce passage de l'histoire de Caïn et Abel soulève par ailleurs un autre aspect fondamental lié à cette notion de liberté et de responsabilité. Quelques versets plus loin, nous lisons dans le texte de la Tora que Dieu met en garde Caïn sur les conséquences de son acte : " Si tu t'améliores, alors tu sera pardonné, mais si tu ne t'améliores pas, alors la faute restera tapie devant ta porte ". Le Rachbam - le petit fils de Rachi -explique ce verset quelque peu obscur de la façon suivante : Si Caïn trouve la force de faire Techouva et comprend l'erreur qu'il vient de faire, Dieu saura lui pardonner ; par contre, dans le cas inverse, non seulement il n'y aura pas de pardon, mais la faute commise restera comme un pierre tapie devant sa porte qui, toujours, le fera trébucher, car ses fautes deviendront trop lourdes pour lui à porter. Tout se passe comme si Caïn courait le risque de se trouver aspiré dans une spirale du mal, commettant faute sur faute jusqu'à perdre la conscience de ses actes et surtout la capacité à réagir et à se corriger. La question posée implicitement par le Rachbam dans ce commentaire concerne bien évidemment la limite du libre arbitre et donc de la responsabilité. En décrivant cette spirale du mal qui risque d'emporter Caïn, la tradition rabbinique nous apprend que la dynamique propre des choses porte en elle la capacité d'anéantir le contrôle que nous exerçons sur nous-mêmes, nous rendant inaptes à exercer notre liberté et notre libre arbitre.

La limite de cette notion de libre arbitre ainsi posée, il nous reste à présent à répondre à la seconde question se rapportant, elle aussi, à la limite de la liberté et concernant la possibilité qui nous est offerte, en utilisant cette liberté que nous donne la tradition juive, de rejeter en bloc toutes les lois du Judaïsme. Peut-on vivre en tant que juif et en tant qu'homme libre sans jamais se sentir commandé par les lois de la Tora ? En affrontant cette possibilité avec lucidité, il me semble que nous devons admettre que le Judaïsme permet d'envisager une telle hypothèse.

La liberté de chacun étant, comme nous l'avons vu, à la base de la pensée juive, il est possible d'utiliser cette liberté pour rejeter le Judaïsme. Mais la question qui véritablement se pose est de savoir si en agissant de la sorte, nous créons les conditions qui permettront aux générations suivantes, et pas seulement à la notre, de vivre dans la liberté ? A cette seconde question, la réponse me semble par contre être négative. Rejeter la Loi, c'est rejeter l'idée que pour vivre dans une société d'hommes libres je dois être capable de m'imposer un certain nombre de restrictions qui garantissent la liberté d'autrui. Sans la Loi, je profite certes de ma liberté, mais je ne créé pas les conditions qui permettent aux autres de profiter de la leur. Ainsi, dans une optique juive de la notion de liberté individuelle, ma responsabilité envers les autres m'impose une certaine limite à ma propre liberté, tout comme Dieu devait accepter de s'auto-limiter pour garantir notre existence d'hommes libres.

C'est cette idée qu'exprime le Talmud lorsque les sages commentant sur le verset 16 du 32ième chapitre du livre de l'Exode, remarquent : " Ne lit pas Harout AL Ha-Loukhot', gravé sur les tables, mais Hérout Al Ha-Loukhot', la liberté sur les tables ; la seule personne qui est véritablement libre est celle qui comprend que la Tora (la Loi) est la source de la liberté " (Eruvin 54a).

sefarad

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