Mark Rothko
Andre Neher ; Le milieu, non le lieu des compromis mais celui du dépassement des valeurs respectées :
"Sorte de milieu dimensionnel qui permet à deux éléments séparés l'un de l'autre d'entrer en communication... Sans le emtsa, certains êtres resteraient éternellement séparés.... (Il est) le médium de l'Alliance au sens théologique du terme."
Intimité (complicité) entre le Maître de Prague et celui de Jérusalem...L’homme-D.ieu…
Dans cette optique, l’on comprendra pourquoi la réalité physique de Moché rabbénou ne ressemble en rien à celle à laquelle nous a habitué la fréquentation du genre humain. Ainsi, dans son commentaire des Aggadot du Talmud (Traité talmudique Sota, fin du 1er chapitre, pages 55sq.), le Maharal de Prague écrit au sujet du verset « Nul n’a connu sa sépulture » (Dévarim, 34, 6) qu’il serait faux de comprendre que la Torah est venue ici nous enseigner que la connaissance du lieu où Moché rabbénou fut enterré nous fait défaut… Puisque, ce qu’elle est venue nous révéler au contraire, c’est que la réalité même du plus grand des prophètes n’est pas, dans ce monde, de l’ordre du dévoilement ! Et quand bien nous passerions au tamis tout le sable qui recouvre le « Har Névo » – c’est-à-dire cette montagne à partir de laquelle Moché quitta ce monde (Dévarim, 34, 5) –, jamais nous ne trouverions le corps de Moché ! Et ce, parce que précisément son existence est par essence au-delà de toute perception dans la mesure où elle se dérobe à la connaissance.
C’est en ce sens qu’il nous faut comprendre cette affirmation pour le moins étonnante du Midrach Cho’har Tov (Psaumes, 90) quand, expliquant pour quelle raison Moché rabbénou est dénommé « Ich haElokim », il écrit : « De sa moitié jusqu’en bas, il était ‘Ich [un homme]’ ; et de sa moitié jusqu’en haut, il était ‘Elokim – [un ange]’ ». Puisqu’en effet, si l’existence de Moché échappe à notre appréhension, c’est bien parce qu’il est « un intermédiaire (emtsa) entre les réalités d’en haut et celles d’en bas ; or tout intermédiaire est nécessairement composé des deux dimensions [qu’il articule]… Voilà pourquoi Moché peut dire : ‘Je me tenais entre D.ieu et vous afin de vous exposer la Parole de D.ieu’, (Dévarim 5,5) » (Maharal de Prague, Tiférèt Israël, chapitre 21, page 67). Au point où, comprenant maintenant un peu mieux la singularité métaphysique de cette réalité propre au plus grand des prophètes, il ne serait pas faux de dire que si Moché rabbénou se trouvait effectivement devant nous aujourd’hui, peut-être ne le verrions-nous même pas… !
Avant de conclure, on retiendra toutefois cette affirmation du rav Tsadok haCohen de Lublin dans le passage de son livre précité quand il dit : « La force particulière attachée au dernier livre du Séfer Torah - le ‘Michné Torah’ - fait que tout celui qui le lit se trouve dans la même situation que s’il l’écoutait effectivement de la bouche de Moché Rabbénou lui-même. Ainsi, quand il est dit : ‘Telles sont les paroles que Moché adressa (…)’, il faut lire : ‘Telles sont les paroles que Moché adressa à travers la bouche de celui qui les lit’ ».
Yehuda Rück
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